Larskrutak.com : le site éponyme de Lars Krutak

Lars Krutak, anthropologue américain (Docteur depuis 2009) dont nous avons déjà parlé dans plusieurs articles, est un nom incontournable dans toute recherche sur le tatouage inuit et le tatouage en général. Sur son site éponyme une biographie pertinente de l’anthropologue est disponible. On notera, en effet, la rigueur scientifique  de cette biographie, qui ne parle que du parcours professionnel de Krutak, autrement dit ce qui nous intéresse tout particulièrement.

Nous y découvrons qu’il a réalisé sa thèse, intitulé « One Stitch at a Time : Ivalu and Sivuqaq Tattoo », en se concentrant sur le tatouage traditionnel Yupik des Îles St Laurent (dont nous avons eu l’occasion de parler, grâce à lui, ici). Ses recherches sur le tatouage ont débuté en 1996, alors qu’il était étudiant à l’Université d’Alaska de Fairbanks, autrement dit non loin des populations Inuit. En 2002, Krutak a été conseiller technique du site vanishingtattoo, que nous avons mentionné ici. Il a également travaillé pour le « National Museum of the American Indian » et pour le département anthropologique du « National Museum of Natural History, Smithsonian Institution » (que nous avons mentionné ici) (voici sa fiche de présentation sur le site du Musée).

Si vos yeux vous pique après avoir lu cette biographie, ce n’est pas à cause du parcours passionnant de Krutak, mais probablement parce qu’elle ne s’ouvre pas dans une nouvelle fenêtre comme les autres pages du blog, et s’affiche en très petite police dans un cadre restreint. Néanmoins  ce point est un des seuls, pour ne pas dire le seul, négatif concernant la clarté du blog. Car le site dans son ensemble est très bien articulé. On notera les photographies grand format défilant au centre, dirigeant vers les articles qui y sont associés. Cela nous rappelle que Krutak est également un photographe (il a été photographe-reporter pour différents journaux et écrit encore pour le magazine américain « Skin&Ink ») et qu’il est sensible à cet art.

On trouve sur le site une série d’articles, rédigés par l’auteur (dont celui-ci et celui-là, auquel nous avons consacré un article ici, et ) tous sur le tatouage. Ce site est en effet, tout comme le travail et les recherches de Krutak, tentaculaire. Régulièrement mis à jour, le site propose souvent de nouveaux articles. On regrettera cependant l’absence de barre de recherche, qui rend, par définition, la recherche moins aisée qu’on ne le souhaiterait. Malgré cela, l’auteur propose, à chaque article, une bibliographie et de nombreuses sources. D’ailleurs, le site lui-même contient une bibliographie très fournie (dans laquelle on retrouve des noms déjà cité, tel celui de Colin Dale, mentionné ici et ici) et une série de liens concernant le tatouage, ainsi qu’un « book shop » avec les livres de Lars Krutak, et une présentation des conférences de l’anthropologue. Chaque partie du blog s’ouvre dans une nouvelle fenêtre, ce qui, contrairement à ce qu’on pourrait penser, simplifie la navigation.

Pour conclure, ce site allie clarté, art photographique, et contenus scientifiques. Evidemment destiné à la présentation du travail de l’anthropologue (d’où la vente de ses livres et la présentation de ses conférences), cela n’empêche pas l’auteur d’utiliser les ressources numériques pour offrir gratuitement de nombreux articles de qualité sur le tatouage, complets et documentés, renvoyant à de nombreuses références.

Michèle Therrien : « Traces sur la neige, signes sur le papier. »

Michèle Therrien est ethnologue et professeure des Universités à l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), comme le précise le site des Belles Lettres, qui a publié son ouvrage intitulé Les Inuit (sur lequel Inuitartzone.com a récemment publié un article). Spécialisée notamment dans la langue et la culture de ce peuple, elle a écrit « Traces sur la neige, signes sur le papier. Significations de l’empreinte chez les Inuit Nunavimmiut (Arctique québécois) », un article paru dans le Journal de la Société des Américanistes, tome 76, 1990, aux pages 33 à 53.

Elle y évoque la trace de pas dans la neige, extrêmement présente dans le lexique de la langue inuit (différents mots sont utilisés pour désigner les diverses formes de traces, révélatrices du but de déplacement voire même des ses modalités, il existe un mot pour désigner des traces d’aller-retour, un autre pour des traces de quelqu’un en visite chez un voisin…) et dans toute la culture du peuple.

« La trace de pas, malgré sa fragilité et la modestie de ses contours, prend un relief saisissant chez les Inuit, peuple de chasseurs-pêcheurs qui en privilégiant les formes discrètes de la présence humaine (maisons, sépultures basses) n’a jamais attenté à l’intégrité du paysage, ce qui a permis à certains d’affirmer que les Inuit laissent peu de traces et que l’on peut mieux occuper ces espaces « vides ». Les principaux intéressés s’insurgent et déclarent que leurs traces couvrent le sol arctique, qu’elles sont la preuve indubitable de l’exploitation effective du territoire et de son appropriation physique millénaire. La trace anime la nature, lui donne un sens.

Expérience à la fois pragmatique et symbolique, la trace situe les vivants les uns par rapport aux autres, relie les mondes visibles et invisibles, crée des liens étroits avec d’autres expériences de marquage parmi lesquelles la couture, le tatouage et aujourd’hui l’écriture. »

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Ainsi l’écriture, elle même héritière du traçage et de la lecture de ces marques laissées dans le sol, est comparée à la couture et au tatouage comme « technique de marquage, de repérage et d’identification ». C’est en effet toujours cette même idée de tenter de maîtriser le territoire, de maîtriser sa pensée, mais aussi de maîtriser son corps, qui est poursuivie. Dans l’écriture comme en ce qui concerne le tatouage, « les signes en succession régulière sur une surface uniforme rappellent une expérience connue, celle des pas sur la neige, eux même vus comme des vestiges inertes posés sur une étendue inanimée auxquels seul le savoir confère une intelligibilité. »

« Women with walrus beards », par Søren Duran Duus

« Women with walrus beards » est un article de Søren Duran Duus, dont on ne peut trouver sur la toile qu’un profil facebook peu fourni, qui nous apprend cependant dans l’adresse URL de la page sa fonction de journaliste, ce que semble confirmer la légende de la photographie qui illustre cette page du journal danois Sermitsiaq, qui le qualifie de « netradaktor ». L’article, trouvable sur Google, semble cependant « perdu », introuvable sur son site d’origine : Air Greenland, une compagnie aérienne du Groënland.

Søren Duran Duus cite un certain nombre de personnes existantes ou ayant existé pour appuyer ses dires, dont les informations trouvables sur internet coïncident avec celles qu’il donne. Ainsi, bien que le cursus de l’auteur soient incertain, la date de l’article soit inconnue et que la provenance de la page soit assez obscure, l’article traite brièvement de l’histoire du tatouage sur les terres inuit et nous apprend un certain nombre de choses, qu’il faut néanmoins considérer avec précaution.

En effet, une première incohérence est à relever dans la datation de la plus ancienne preuve de trace de tatouage Inuit, constituée par une petite figurine en ivoire retrouvée en Alaska, datant de 95 avant Jésus Christ. En effet, nous avons déjà vu que Lars Krutak parle d’un masque en ivoire sculpté à l’effigie d’un visage tatoué qui, lui, remonterait à 3500 avant Jésus Christ. Sans doute l’article de Søren Duran Duus a-t-il été écrit avant la découverte mentionnée par Krutak.

L’auteur parle ensuite du conservateur des Archives et Musée nationaux du Groënland, Hans Lange (son LinkedIn) qui, bien que fasciné par le tatouage au Groënland, admet le fait que les sources et la documentation à ce sujet sont très limitées : les sources matérielles sont principalement basées sur trois ou quatre fouilles ou expéditions, et les premières études détaillées des pratiques du tatouage aux Groënland remontent à la fin du XIXe siècle, voire au début du XXe. La cinquième expédition de Knud Rasmussen (sa page Wikipédia), en 1921-24 a mis au jour d’importantes informations concernant les variétés de tatouages et la mentalité des Inuits associée à cette pratique.

Les tatouages inuit peuvent symboliser un grand nombre de choses, mais c’est surtout la force, ou la beauté chez les femme qui est célébré à travers eux, entre autres significations plus personnelles ou pour l’entourage de la personne. Le premier tatouage d’un homme est appelé kakileq, le « premier tué », c’est une ligne sur la joue qui symbolise le premier phoque, morse, ours polaire ou baleine tué. Chez la femme, on parlera de « barbe de morse » pour désigner les traits au menton qu’on lui trace au moment de la puberté.

Les momies de Qilakitsoq près d’Uumannaq (dont nous avons déjà parlé ici) sont sans doute les plus célèbre du Groënland : cinq ou six d’entre elles sont des femmes tatouées, mortes environ vers 1475. Un siècle plus tard, en 1566, une femme Inuit avec des tatouages faciaux est capturée en Terre Neuve, au Canada, et sera montrée dans des cirques à travers toute l’Europe…

Les missionnaires chrétiens ayant trouvé la pratique contraire aux usages de leur religion, cette dernière, considéré comme « porteuse de péché », a été interdite. C’est probablement la raison pour laquelle la pratique s’est éteinte relativement rapidement à l’ouest du Groënland, comme l’écrit David Crantz (sa page Wikipédia), dés 1765, dans son Histoire du Groenland.

Indigenous Tattooing

Indigenous tattooing est le site de Dion Kaszas, étudiant en études autochtones à l’université de Colombie Britannique-Okanagan. Dion Kaszas est membre de la population Nlaka’pamux, un peuple amérindien du Canada qui pratiquait le tatouage cousu. Il est de plus apprenti au salon de tatouage Vertigo Tattoos à Salmon Arm B.C., au Canada. C’est dans le cadre de ses études et d’une réflexion sur ses origines que Dion Kaszas publie sur son site des séries de photographies liées à son sujet de recherche, et qu’il publie sur son blog des articles en rapport avec le tatouage indigène, notamment arctique.

En définitive, ce blog est très semblable au nôtre, puisqu’il publie de nombreux liens vers des sources variées, concernant Alethea Arnaquq Baril, Colin Dale, Lars Krutak, le tatouage inuit, le tatouage cousu en général. La différence notable est que les liens sont accompagnés de très peu de contenu, en général une rapide présentation de 5 lignes, et pas critiqués.

Le site propose quant à lui, un catalogue de photographies de tatouages, dont une galerie de tatouages inuits. On y trouve également une page qui renvoie aux publications de Dion Kaszas, ainsi qu’une page de liens en rapport avec le sujet.

Le blog et le site sont dans l’ensemble bien organisés, faciles à lire et on s’y retrouve facilement. S’il est facile de passer du site au blog, l’inverse l’est moins, ce qui est dommage puisque c’est sur le site qu’on obtient des renseignements sur l’auteur. D’autre part, le site et le blog sont très bien illustrés, mais le contenu reste pauvre, et on aimerait en savoir plus sur les recherches de Kaszas.

La Poétique du « sauvage », thèse d’Elise Müller

Elise Müller, aujourd’hui sociologue consultante (voir son LinkedIn), a présenté en février 2012 une thèse dirigée par David Le Breton, professeur à l’université de Strasbourg, sociologue et anthropologue (voir sa page wikipédia), intitulée Poétique du « sauvage », une pratique du tatouage dans le monde contemporain.

elise muller

C’est seulement au cours d’un bref passage, situé à la page 21, qu’Elise Müller mentionne le tatouage en Arctique, semblant tiré une grande partie de ces informations dans la référence bibliographique suivante : Antomarchi V., « Les tatouages inuits dans l’Arctique canadien », in La belle apparence, sous la direction de Gilles Boëtsch, David Le Breton, Nadine Pomarède, Georges Vigarello et Bernard Andrieu, Paris, CNRS Editions, 2010, pp. 70-80. Pour plus d’informations sur Valérie Antomarchi, vous pouvez consulter l’article que nous avons fait à propos d’une de ses publications ici.

Si l’auteur ne parle pas vraiment des pratiques contemporaines, comme le suggérerait le titre de sa thèse et alors qu’elle les évoque pour d’autres types de tatouages, elle explique cependant, comme nous l’avons déjà vu, que le tatouage inuit était l’un des rites pratiqués par les chamans, pour ses vertus curatives et protectrices envers les esprits maléfiques et les âmes des animaux tués à la chasse. Pour « amadouer » ces esprits d’animaux et donc pour faciliter la chasse, les femmes et les filles de pêcheurs arboraient des talismans tatoués.

Mais l’article d’Elise Müller nous apprend également que « comme dans de nombreux autres endroits du globe, les femmes non tatouées étaient moquées » (ce qui montre l’importance sociale du tatouage !) et que c’est la christianisation (et donc la colonisation) de l’Arctique qui a eut pour effet de « faire disparaître en grande partie la pratique ».
Ce sont désormais des types de tatouages plus occidentaux qui sont portés par les jeunes, même si « une minorité d’entre eux manifeste cependant aujourd’hui le désir de renouer avec leur identité inuit et les pratiques qui lui sont propres, dont le tatouage traditionnel. » (Ce qui est par exemple le cas d’Alethea Arnaquq-Baril.)
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Lars Krutak : « Le tatouage chez les chasseurs-cueilleurs en Arctique »

C’est un véritable dossier sur le tatouage inuit que « l’anthropologue du tatouage » Lars Krutak (présenté plus en détails, ainsi que son site, dans cet article) nous propose sur son site éponyme. Créé en 2013, il traite d’une grande variété de thèmes, tous liés au tatouage, et ce dans un grand nombre de cultures.

Écrit en 2000, l’article est complété d’une bibliographie très fournie (plus d’une cinquantaine de références !) et se révèle extrêmement complet, mettant en lien la pratique du tatouage et la description minutieuse des techniques qu’on trouve dans les différentes régions habitées par les Inuits avec les croyances et les légendes de ce peuple.

Dans son introduction, Lars Krutak fait par exemple coïncider la preuve archéologique (le masque en ivoire dont nous avons parlé dans l’article sur Billy Merkosak) prouvant que la pratique du tatouage remonte chez les inuits à au moins plus de 3500 ans, avec leur mythologie, qui associe le tatouage à la création du soleil et de la lune.

S’ensuivent ensuite différentes parties qui organisent et structurent son article, dont voici ici de (très) brefs résumés.

« Les tatouages et la symbolique des pigments »

Lars Krutak nous informe des différents procédés de tatouage utilisés dans les régions où résident le peuple inuit, à travers des témoignages d’explorateurs ou d’anthropologues. Si chez les eskimos du centre vivant près de Daly Bay et autour du Détroit de Bering, c’était seulement le trou dans la peau qui était fait avec l’aiguille, et que la suie était ensuite déposée en y introduisant une aiguille de pin, Otto W. Geist (archéologue de l’université d’Alaska) écrit quant à lui en 1926 que sur l’Ile Saint Laurent, c’est la méthode du fil (tendon de rennes ou de mammifères marins) et de l’aiguille (morceau d’os puis plus tard, acier) qui prévaut, ou seulement de l’aiguille trempée dans le pigment (Noir de fumée ou graphite, ces deux éléments étant réputés pour « chasser » les mauvais esprits). A chaque fois la suie était mélangée avec de l’urine (censée repousser les esprits, elle possède en plus un haut taux d’ammoniac, ce qui permet d’éviter une infection et accélère la cicatrisation du tatouage).

« Le concept du tatouage en Arctique »

Le tatouage était souvent exécuté en lien avec les évènements funéraires, sous forme de petits points sur les articulations du corps (comme nous en avons déjà parlé dans l’article sur l’Encyclopedia of Body Adornment), mais aussi en lien avec la chasse, pour éviter de se faire posséder par l’esprit des animaux tués. Au contraire, les tatouages pouvaient également être utilisés par les chamans pour attirer des « forces spirituelles » en lien avec l’ « au-delà », et pas toujours pour repousser les esprits. Les « cercles nucléés », dont on a déjà parlé, héritiers des labrets, avaient eux aussi un rôle protecteur envers les mauvais esprits et les malheurs qu’ils pouvaient apporter. On pouvait aussi trouver des cercles, des demis cercles, des éléments anthropomorphes ou cruciformes : cela dépendait des maux à guérir, mais également de l’histoire de l’individu et de sa famille

« Les tatouages faciaux et corporels féminins »

Lars Krutak parle, sans surprise, du lien du tatouage féminin avec le mariage, d’un rôle de protection envers les ennemis, et de marques censées apporter fertilité à la femme tatouée, mais il précise également que les motifs des tatouages aux visages étaient souvent les mêmes d’une femme à l’autre, soit pour figurer les symboles qu’on vient de voir, soit pour montrer une appartenance à un clan ou à une famille : c’était donc souvent les mains qui étaient ornées de manière plus individuelle.

« La fonction médicinale des tatouages »

Les tatouages n’étaient pas seulement utilisés pour protéger des maux causés par les mauvais esprits, ils pouvaient aussi constituer des traitements préventifs ou curatifs d’un grand nombre de maladies. Des traces près du cœur pour des troubles cardiaques, de petits traits de chaque coté des yeux pour les troubles de la vision… Les tatouages étaient aussi des occasions pour pratiquer des « saignées », censées évacuer le « mauvais sang ».

« Le tatouage comme forme d’acupuncture »

Dans sa dernière partie, Lars Krutak rapproche les emplacements des points tatoués par les inuits avec les points d’acupuncture chinois, placés sur des « méridiens » et en étroites connexions avec les organes dont il convenait de préserver l’équilibre pour rester en bonne santé. D’après l’anthropologue, les « anciens » avaient conscience de ce parallèle entre leur art et celui de leurs voisins asiatiques, et des « momies » attesteraient de cette pratique chez les Inuits au XVe siècle.

Une version antérieure de l’article avait été publiée par Krutak sur Vanishing Tattoo, site élaboré en 1999 en collaboration avec d’autres passionnés du tatouage, mais les images n’y sont pas légendées. On peut également trouver un véritable « copié-collé » de l’article de Lars Krutak effectué le 24 septembre 2012 sur le blog arifulnews24.wordpress.com, avec tous les problèmes de mise en page qu’une telle pratique induit, même si l’auteur du billet cite tout de même sa source.

Cette nouvelle version demeure donc la plus agréable à l’oeil et la plus précise : illustré par de nombreuses images systématiquement légendées et pertinentes, car en lien direct avec le propos de Lars Krutak, cet article est extrêmement riche et très bien documenté, constituant une véritable référence, voire un outil de travail pour toute personne souhaitant approfondir ses connaissances ou faire des recherches sur le tatouage inuit.

Le tatouage inuit abordé dans la revue anthropologique Terrain

« Terrain est une revue d’anthropologie. En trente ans, elle est devenue une revue de référence dans sa discipline. […] Sur ce site, on trouvera en texte intégral et accès gratuit, tous les numéros de Terrain datant de plus de quatre ans. »

Voici comment se présente le site de Terrain, une revue éditée par la direction générale des Patrimoines, département du pilotage de la recherche et de la politique scientifique (ministère de la Culture et de la Communication) et la Fondation de la Maison des sciences de l’homme de Paris. Offrant une navigation claire et aisée, le site propose plusieurs indexs (géographique, thématique, par numéro paru ou par auteur) pour chercher des articles. Il informe également le public des évènements relatifs à l’anthropologie, comme des conférences, ayant lieu en France, et il n’hésite pas à mettre en lien ses publications avec celles d’autres revues ou d’autres sites scientifiques mais aussi spécialisés dans l’information, comme Le Monde ou encore France Culture.

De nombreux scientifiques, notamment des sociologues et des anthropologues participent à cette revue, dont Nelson Graburn, professeur émérite en anthropologie socioculturelle à l’université californienne de Berkeley, et Pamela Stern, anthropologiste socioculturelle du département de sociologie et anthropologie de la Simon Fraser University, au Canada. En mars 1999, ils ont joint leur plume pour écrire « Ce qui est bien est beau » : un article scientifique, donc, paru dans le numéro 32 de Terrain (dont le thème était « le beau »), et mis en ligne sur le site de la revue le 29 mars 2007. Complété d’une importante bibliographie, il inclut un passage traitant brièvement du tatouage inuit, mais nous fournissant cependant des informations intéressantes et fiables. Étant donné qu’il aborde tout de même une thématique bien plus large, en voici un résumé, qu’on peut trouver directement sur la page de l’article, juste avant ce dernier :

« En inuttitut, la langue inuit, le concept de « beauté » peut être traduit grossièrement par « bonté ». On souligne plus les qualités morales que l’esthétique visuelle. Sémantiquement, ce qui est beau est ce qui convient, qu’il s’agisse d’apparence, d’activités ou de relations sociales : pour l’homme, c’est être un bon chasseur et un bon mari ; pour la femme, une bonne mère et une bonne épouse ; pour la terre, de produire en abondance. La beauté est reconnue à ceux qui font les choses « comme il faut », de manière appropriée. Dans l’idéal, ce sont les savoir-faire et le sens de la responsabilité qui attirent l’homme et la femme l’un vers l’autre. L’attirance physique et sexuelle est considérée comme superficielle. Depuis cinquante ans, les Inuit canadiens ont commencé à produire des sculptures en pierre, des lithographies et des dessins au pochoir qu’ils vendent et exportent. Cela a provoqué une prise de conscience du concept de beauté en tant qu’esthétique visuelle, mais cette production reflète toujours la division sexuelle du travail. »

C’est à la fin d’une partie intitulée Mariage et séduction sexuelle, le fondement moral de la beauté que les auteurs abordent le thème du tatouage chez les Inuits. S’ils le présentent comme ordinaire chez une femme, ils soulignent son aspect exceptionnel et inquiétant dans le cas des hommes : seuls les individus dangereux, voire les criminels recevaient « une simple marque sur l’arête du nez ». Les tatouages des femmes étaient, par contre, beaucoup plus complexes et s’étendaient sur une plus grande surface corporelle, mais toujours, la plupart du temps, sous forme de lignes. Ils étaient attribués à la jeune femme après ses premières menstruations, pour signaler son passage à l’âge adulte : ils revêtent ainsi une véritable dimension rituelle.

Les auteurs signalent ensuite le peu d’informations qu’ils ont pu récupérer sur la signification des motifs mêmes du tatouage inuit, mais parlent d’un motif récurrent, notamment dans la région Yup’ik : « le cercle nucléé (avec un point à l’intérieur) ».

Enfin, dans la conclusion de leur article, ils soulignent l’aspect séducteur du tatouage chez la jeune fille tout juste pubère et précisent qu’il « agissait aussi comme instrument de socialisation et de protection surnaturelle ».